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En somme, de même qu’il n’est pas réellement question de sécurité dans le discours dit « sécuritaire » ni de féminisme dans les discours pseudo-féministes, il n’est pas davantage question de laïcité dans les discours incantatoires et incontinents qui invoquent, célèbrent et sacralisent ladite laïcité à chaque détour de phrase. Bien plus : de même que les politiques dites sécuritaires ont pour effet – et parfois pour but – d’accroître le sentiment d’insécurité, et mêmes certaines formes d’insécurité objective, de même les offensives idéologiques et législatives dites laïques qui ont été menées ces dernières années sont, au sens le plus rigoureux du terme, des atteintes profondes au principe de laïcité tel qu’il a été défini en France entre les années 1880 et la fameuse loi de 1905.
Le premier ministre se trompe. Qu’elle soit figurée en buste ou en timbres, sur des pièces de monnaie ou des tampons administratifs, Marianne est plus souvent couverte que dévêtue. De manière plus caractéristique, s’il n’est pas surprenant de voir le caporalisme républicain de Valls renouer avec le kitsch volontiers wagnérien de la Troisième République, il faut noter que ce vocabulaire échappe à sa compréhension. Incapable de saisir la dimension allégorique, le premier ministre lit la figure de Marianne comme une photographie, et confond la représentation symbolique avec une couverture de Marie-Claire, à la manière de Facebook censurant une œuvre d’art.
L’équation symbolique qui sous-tend la laïcité identitaire doit en effet être restituée dans toute son extension : ce qu’elle pose, c’est que l’identité de la République réside dans la laïcité, et, corrélativement, que la laïcité doit servir à l’assimilation des populations d’origine étrangère (ce qui veut dire en clair : coloniale et postcoloniale), toujours encore susceptibles, de par leurs croyances religieuses, de constituer un «corps étranger» au sein de la nation. Obsédée par la nécessité de faire barrage au «communautarisme», elle en vient donc à construire (au moyen de «valeurs», mais aussi de normes et d’interdits culturels) un communautarisme d’Etat.
Comment juger du caractère «provocateur» du port d’un vêtement? Plutôt que le modèle de la responsabilité individuelle habituellement appliqué dans le droit français, les partisans de l’interdiction optent pour une pétition de principe. Pourrait-on imaginer un port innocent du burkini, ou un port du voile dénué d’intention maligne? Poser la question, c’est y répondre, et l’on voit bien que la criminalisation du vêtement exclut toute possibilité d’un choix responsable de la part de celle qui le porte. Même si une femme décidait d’elle-même d’opter pour un vêtement couvrant, celui-ci est décrété ostentatoire par essence.
"Le rappel est que la laïcité est une obligation pour les pouvoirs publics, et c’est tout. Si vous voulez imposer le régime de laïcité du service public – c’est-à-dire la neutralité dans la conduite personnelle et les signes extérieurs – aux particuliers, pourquoi pas après tout… Mais il faut inventer un autre mot, car ça n’a rien à voir avec la laïcité, et il faudra aussi rompre avec un siècle de tradition juridique en France. Une infirmière qui travaille le matin dans un service hospitalier est tenue par le principe de laïcité, alors que si l’après-midi, elle vient rendre visite à un malade, elle ne l’est pas. Ce n’est pas plus compliqué et ça s’appelle la liberté individuelle.
C’est ce qu’expliquait en 1949 le professeur Jean Rivero : « la laïcité ne peut s’entendre que dans un seul sens, celui de la neutralité religieuse de l’Etat » (Jean Rivero, La notion juridique de laïcité, Dalloz 1949 p 137). Je n’écarte pas qu’il existe des juristes plus lucides que Jean Rivero… mais alors qu’ils argumentent par la raison."
"Se sentir gêné, pour certains, par telles ou telles pratiques religieuses, ou même y être opposé, ne signifie pas que l’on doive les interdire, dès lors qu’elles respectent le cadre républicain.
La laïcité, c’est la garantie donnée à chacun de croire ou de ne pas croire et de pouvoir l’exprimer dans la limite de l’ordre public et des libertés de chacun. C’est une loi de liberté et non d’interdiction générale."
Arborer un voile ou un foulard porte-t-il atteinte à l'ordre public ? AMHA, pas plus que le port de n'importe quel autre vetement, bijoux, ou accessoire... Donc l'interdire le voile dans les universités et les écoles, ou dans l'espace public, c'est violer la garantie de liberté d'expression de ses convictions qu'offre la laïcité.
Va falloir se mettre cette idée en tête : l'atteinte à la laïcité n'est pas le fait des musulmanes souhaitant pouvoir étudier, travailler et vivre en société en conformité avec leurs convictions personnelles. Non, cette attaque est le fait de tout ceux qui voudrait leur interdire.